De « Défense » à « sécurité nationale » et pourquoi ça change tout Jerome Saiz le 24 janvier 2014 à 13h57, dans la rubrique Cyber Pouvoirs Commentaires fermés sur De « Défense » à « sécurité nationale » et pourquoi ça change tout defenseloisSénat C’est une proposition de loi passée relativement inaperçue en 2011 (edit : que nous avions en tout cas superbement ignorée en son temps !). Sobrement intitulée « Proposition de loi tendant à faciliter l’utilisation des réserves militaires et civiles en cas de crise majeure » , elle opère une distinction très intéressante entre la défense et la sécurité nationale sur laquelle il est intéressant de revenir, tant la discussion demeure d’actualité. Il ne s’agissait pas à l’époque d’un texte nouveau mais plutôt du toilettage d’un texte existant du Code de la Défense afin de l’adapter aux évolutions de la société et des menaces. En premier lieu le terme « service de défense », qui désigne notamment les mesures destinées à assurer la continuité des actions de l’Etat en situation de crise (par exemple en terme de mobilisation générale), devient « service de sécurité nationale » . Ce changement est très symbolique : il indique très clairement que la défense de la Nation « ne se réduit pas à la défense militaire, mais englobe l’ensemble des problématiques liées à la sécurité » , explique le texte. Rédigée à une époque où le risque principal était l’agression extérieure ou une invasion militaire, la formulation en vigueur peine en effet à prendre en compte les menaces modernes, plus subtiles. Ensuite cette proposition de loi opère un lien direct avec la liste des Opérateurs d’Importance Vitale. Cela peut sembler anecdotique mais en désignant directement les OIV dans le Code de la Défense (plutôt que de renvoyer à un décret, comme actuellement), le texte renforce les liens entre le service de défense et le dispositif de sécurisation des activités d’importance vitale, et rend donc l’ensemble beaucoup plus cohérent (accessoirement les auteurs en profitent pour limiter le personnel mobilisable au sein des OIV aux seuls salariés nécessaires à l’exécution du plan de continuité, et non plus la totalité de l’effectif). Enfin, et c’est probablement le changement le plus significatif, le texte introduit plus de souplesse dans les capacités de réaction de l’Etat face à une crise, qui étaient avant cela plutôt de type « tout ou rien ». Avant le toilettage du texte, en effet, le déclenchement du service de défense ne pouvait avoir lieu que dans le cadre d’une mobilisation générale ou une mise en garde, deux régimes d’exception très contraignants : « Il s’agit de mesures particulièrement graves et fortes de conséquences, avant tout pensées contre un risque d’agression extérieure ou d’invasion contre le territoire national. Ces décrets ont notamment pour effet la mise en oeuvre immédiate de dispositions permettant au Gouvernement de requérir les personnes, les biens et les services, de soumettre à contrôle et à répartition, les ressources en énergie, matières premières, produits industriels et produits nécessaires au ravitaillement et, à cet effet, d’imposer aux personnes physiques ou morales en leurs biens, des sujétions jugées indispensables » , précise la proposition de loi. Et ses auteurs de reconnaître qu’il s’agit là « d’un état d’exception attentatoire aux libertés publiques » et que le recours à un dispositif tel que la mobilisation est devenu improbable. Mais si un tel dispositif est devenu improbable, le service de défense qui en dépend pour son activation perd alors de son utilité. La proposition de loi suggère plutôt d’aligner les conditions de recours au service de défense sur celles des réserves de sécurité nationale. Le service de défense pourrait alors être déclenché sans passer par un régime d’exception jugé attentatoire aux libertés publiques, mais plus simplement lors « d’une crise majeure dont l’ampleur met en péril la continuité des services de l’état, la sécurité de la population ou la capacité de survie de la Nation« . Outre le fait d’éviter de passer par un régime d’exception, l’intérêt de cette modification est double : tout d’abord elle étend le champ d’application du service de défense aux menaces non-militaires, y compris technologiques (et d’ailleurs le texte mentionne spécifiquement la menace technologique), mais également elle renforce la place de la réserve dans le dispositif de défense de la Nation en l’alignant avec l’un de ses textes centraux. Vous avez aimé cet article? Cliquez sur le bouton J'AIME ou partagez le avec vos amis! Notez L'article Participez ou lancez la discussion!