Gérez les crises comme au RAID Jerome Saiz le 22 février 2013 à 7h18, dans la rubrique Conformité & Bonnes pratiques Commentaire (1) crisegestion de crise Amaury de Hauteclocque connaît bien les crises : le patron du RAID s’y confronte quotidiennement. Et il était hier l’invité du Cercle Européen de la Sécurité afin de partager son expérience en matière de préparation et de gestion de crise. A première vue, évidement, il n’y a pas grand chose à voir entre le quotidien du RAID et les crises qui peuvent frapper l’entreprise. Et pourtant, en creusant un peu, les parallèles ne manquent pas… A commencer par l’importance du casting de la cellule de crise. Diane Mullenex, du cabinet Ichay & Mullenex Avocats, avait déjà abordé cette notion de casting lors de notre petit-déjeuner consacré à la gestion des crises en SSI. Mais là où l’avocate l’avait fait sous un angle fonctionnel (composition d’une équipe pluridisciplinaire), le patron du RAID s’intéresse plutôt à la capacité de ses personnels à gérer leur stress. Car être en crise, c’est avant tout être en stress. « Des études montrent qu’en situation de crise le stress annihile 30 à 50% de la capacité du cerveau à comprendre la situation« , poursuit Amaury de Hauteclocque. Premier enseignement : votre cellule de crise fonctionnera donc en sous-régime. Et ce n’est pas tout : « En début de crise il faut souvent faire avec des informations parcellaires, voire fausses« , continue de Hauteclocque. En bref : les membres de votre cellule ne pourront compter que sur la moitié de leurs capacités intellectuelles et sur des bribes d’information pas toujours exactes… Dans de telles conditions l’organisation de votre cellule de crise doit prendre en compte dès sa conception la forte dégradation de ses capacités. Pas question pour autant d’en soumettre les membres au même processus de sélection que celui du RAID (bien que pour certains cela pourrait être très drôle…). Mais il est bon de concevoir la cellule en prévoyant qu’au coeur de l’action même les procédures les plus simples seront rendues complexes parce que sous l’emprise du stress. Fiches pas-à-pas réellement élémentaires, moyens simplifiés, répartition des procédures en tâches isolées ultra-basiques… Même si cela paraît stupide durant la phase de préparation tout doit être mis en oeuvre pour que pendant la crise chaque étape puisse être accomplie avec un demi-cerveau. C’est à ce stade également que les scénarios de crise préparés à l’avance sont utiles. Il est impossible, bien entendu, de prévoir les crises. « Mais on peut s’accrocher à des processus, à des réflexes entraînés, afin de libérer du temps de cerveau« , poursuit le patron du RAID. Evidemment, cela ne peut être acquis que par des exercices réguliers en situation, chose que probablement peu d’entreprises pratiquent faute de temps ou de ressources. Il convient toutefois d’être pragmatique : les plans ne servent qu’à se rassurer, et la victoire se joue sur la capacité de s’adapter en temps réel à la situation. Le stratège allemand Helmuth von Moltke disait qu’aucun plan ne survit au contact de l’ennemi, et la crise ne fait pas exception à la règle. C’est pour ça que le RAID intègre à son PC de commandement une cellule dite « d’anticipation » qui travaille de concert avec les cellules planification et renseignement afin de remettre sans cesse le plan à jour en fonction de l’évolution de la situation. Un tel modèle aurait probablement sa place dans votre cellule de crise… Autre conseil du patron du RAID quant à l’organisation de la cellule : être le plus près possible du pouvoir avant la crise, mais en être bien isolé pendant. Ainsi, Amaury de Hauteclocque estime être « sur une laisse très courte » car il est positionné hiérarchiquement de manière très proche du pouvoir afin d’échapper aux affres des chaines de commandement à rallonge et être ainsi déployé au plus vite. Pour autant, bien que proche du pouvoir avant la crise, lors du déclenchement de celle-ci il faut savoir en être isolé. Amaury de Hauteclocque conçoit ainsi le dispositif comme trois cercles qui ne doivent jamais se mélanger : l’opérationnel (les équipes qui traitent la crise sur le terrain), le commandement (la cellule de crise) et l’autorité (la direction, les politiques). Situé au centre, le commandement fait l’articulation : il pilote la crise sur le terrain avec les équipes opérationnelles et il rend compte aux politiques. Mais ces derniers sont hors dispositif et ne doivent pas prendre part à la résolution de la crise sur le terrain. « A ce titre la prise d’otages dans la maternelle de Neuilly en 1993 a été l’exemple parfait de ce qu’il ne faut pas faire« , reconnaît de Hauteclocque (Nicolas Sarkozy, alors maire de Neuilly, avait pris directement part aux négociations avec le preneur d’otages) Ramené à l’entreprise ce principe rappelle que durant la crise la cellule doit avoir les pleins pouvoirs et se contenter de rendre compte au dirigeant. Ce dernier ne doit plus piloter le bateau mais se consacrer à préparer l’après-crise, et notamment à gérer la communication. Il est bien entendu tenu informé par la cellule de crise et il peut lui communiquer ses priorités, mais il ne doit avoir aucun rôle opérationnel. La temporalité différente entre la cellule (qui vit au coeur de la crise et peut être amenée à prendre des décisions immédiates) et le dirigeant, qui fait face au monde extérieur, l’interdisent. Enfin, il y a la sortie de crise. Si notre petit-déjeuner consacré à la gestion de crise avait mis en évidence toute la difficulté de savoir activer la cellule (trop tôt, trop tard ?), Amaury de Hauteclocque met quant à lui l’accent sur la sortie. « Le plus dur à gérer ce sont les transitions. De l’état nominal à l’état de crise, bien entendu. Mais aussi de l’état de crise à sa sortie. Si on rate la sortie de crise, alors on rate tout ce qui a été fait auparavant« , prévient le patron du RAID. Sortir de la crise, pour l’entreprise, c’est évidemment d’abord retrouver son fonctionnement nominal, mais c’est aussi gérer l’image, les retombées presse, et le juridique (par exemple afin d’obtenir réparation s’il y a lieu). Ce travail est essentiel car quelle que soit la performance de le cellule de crise, le monde extérieur ne jugera la réponse de l’entreprise qu’à travers (au mieux) les informations qu’elle aura communiqué et (au pire) les commentaires d’observateurs extérieurs. C’est notamment ce qui s’est passé lors de l’affaire Merah à Toulouse, où l’action du RAID a été pour l’essentiel commentée par des intervenants extérieurs chargés de meubler les antennes continues des chaînes d’information, alors qu’ils ne disposaient d’aucune indications en provenance du terrain. Une pratique que commentait d’ailleurs récemment la journaliste Marjorie Paillon (France 24) à l’occasion d’un dîner à l’Anaj-IHEDN auquel nous participions, en expliquant en substance que de tels « experts » permettent aux chaînes de meubler à moindre frais une antenne condamnée à diffuser en continu. « J’avais besoin de mes officiers de communication avec moi durant la crise, mais de ce fait personne chez nous n’était disponible pour aller en plateau afin d’expliquer concrètement notre action. L’antenne était donc occupée par des experts qui ne connaissaient pas nos contraintes ni nos conditions d’intervention« , regrette Amaury de Hauteclocque. Depuis, il a familiarisé des communicants de la Police Nationale aux méthodes de travail du RAID afin qu’ils soient capables lors d’une prochaine intervention de ce type de porter la parole de la maison sur les plateaux télévisés pendant la crise, et non après. Pour l’entreprise, l’objectif doit être le même : bien sortir de la crise c’est pouvoir aborder la phase de communication de manière sereine et en position de force. Pour cela il est nécessaire que le travail de communication ait été entamé durant la crise – pas par la cellule elle-même, bien entendu, mais piloté peut-être par l’autorité (la direction) et ses propres experts. En pré-positionnant ainsi l’information, la sortie de crise pourra s’attacher à reconstruire l’image sur des bases solides, voir capitaliser sur le succès, plutôt que de jouer les pompiers face à des critiques que l’entreprise aura laissé prendre racine durant la résolution de la crise. Vous avez aimé cet article? Cliquez sur le bouton J'AIME ou partagez le avec vos amis! Notez L'article Participez ou lancez la discussion!