Ce droit à l’oubli qui ennuie Google Jerome Saiz le 13 mai 2014 à 10h50, dans la rubrique Conformité & Bonnes pratiques Commentaires fermés sur Ce droit à l’oubli qui ennuie Google données personnellesprivacy Le jugement récent de la Cour européenne de justice à l’encontre de Google créé un précédent dont il se serait bien passé : les internautes seraient désormais en droit de demander à Google de supprimer de son index les liens vers des pages publiant certaines de leurs données personnelles qu’ils voudraient voir disparaître. L’an dernier le géant qualifiait une telle exigence de « censure ». Aujourd’hui, il va être obligé de s’y plier. Cette décision est intéressante car elle consacre, s’il en était encore besoin, le rôle central occupé par Google. On ne cherche même plus à retirer le contenu chez son hébergeur : on se contente de le dé-indexer chez Google. Implicitement, donc, ce qui n’est plus accessible via Google n’existe plus. Le dark web, cet internet non-indexé, a de beaux jours devant lui ! La méthode a certes le mérite de la simplicité mais elle ne règle en rien le fond du problème : les contenus demeurent en ligne et quiconque aura sauvé le lien au préalable (dans un bookmark, un document, une newsletter, un fil de discussion, un forum…) pourra toujours y accéder. Google, quant à lui, fait désormais face à un défi organisationnel : une telle décision ne manquera certainement pas de motiver de nombreuses demandes qu’il lui faudra traiter. Beaucoup seront probablement fantaisistes et il devra alors en contester la validité, parfois jusque devant la justice. D’autres ne seront pas recevables aux vues de la décision de la Cour européenne, qui mentionne des exceptions (lorsqu’il s’agit d’une personne publique ou « à moins qu’il existe des raisons particulières » , ce qui ne manquera pas de donner lieu à de belles foires d’empoigne au prétoire !). Mais pour traiter une majorité d’entre elle il faudra mettre en place les processus administratifs nécessaires capables de tenir la charge (bien que l’on puisse parier que la procédure ne sera pas publiée avec zèle !) Chose surprenante, en juin 2013, dans la même affaire, l’avocat général de la Cour européenne de justice avait estimé que Google n’était pas responsable des informations publiées sur des pages indexées par son moteur. Ce revirement de la Cour (qui est pourtant réputée suivre l’avis de l’avocat général) porte probablement la marque de l’affaire Snowden et de son impact sur la sensibilité européenne aux questions de respect de la vie privée. Cependant cette décision s’inscrit surtout dans un effort de longue date de la part de l’Union Européenne pour mieux protéger les données personnelles. La directive européenne sur la protection des données à caractère personnel date de 1995 et son toilettage est en cours depuis plusieurs années. En 2012 Viviane Reding, le commissaire européen à la Justice, aux Droits fondamentaux et à la Citoyenneté, faisait déjà une série de propositions sur ce thème, dont précisément celle d’un droit à l’oubli numérique. Etonnamment, l’affaire à l’origine de cette décision d’envergure mondiale est anecdotique et très locale : il s’agit d’une plainte déposée par un internaute espagnol après la publication par un quotidien papier, en 1998, de son nom dans une affaire de recouvrement de dettes. Le quotidien avait ensuite mis ses archives en ligne – dont cet article – au début des années 2000. Mais en 2009 l’intéressé, qui depuis avait réglé ses dettes, estimait que cette référence lui nuisait et en avait donc demandé le déréfencement à Google via la justice espagnole. Vous avez aimé cet article? Cliquez sur le bouton J'AIME ou partagez le avec vos amis! Notez L'article Participez ou lancez la discussion!