En sera-t-il un jour de la Bretagne avec la cyber-sécurité comme il en est de la région Midi-Pyrénées pour le spatial ? Viendra-t-on en priorité faire ses études et s’installer en Bretagne lorsque l’on veut faire carrière dans la cyber-sécurité ?

C’est en tout cas la volonté qui se dessine à travers la création en terre bretonne du pôle d’excellence en cyber-défense, décidé par le Ministère de la Défense et annoncé au mois de juin dernier.

Cette semaine, à l’occasion d’un rendez-vous CyberCercle organisé par Défense & Stratégie avec les principaux artisans de ce pôle breton, l’on a pu y voir plus clair dans les modalités de cette cyber-greffe.

Plusieurs raisons ont justifié le choix de la Bretagne :

Il y a bien entendu d’abord l’aspect historique. Réputée pour être la « patrie des télécoms », la Bretagne a vu très tôt l’implantation de l’un des centres de recherche et développement de France Telecom. C’est là notamment qu’ont vu le jour les bases de la norme X.25, le Minitel et le réseau TRANSPAC chargé de l’exploiter. Et en 1991 s’y créait la Cité des Télécom.

Plus prosaïquement, pour le Ministre de la Défense Jean-Yves le Drian c’est aussi parce que le Ministère y dispose d’implantations technologiques fortes telles que la 785e compagnie de guerre électronique, l’école des transmission de Rennes et la DGA-MI (ex-centre électronique de l’armement) à Bruz. Le CALID (Centre d’analyse de lutte informatique défensive) s’y implantera dès 2016 afin de compléter le tableau militaire.

Mais il n’est de pôle d’excellence sans filière de formation ni centre de recherche, et la Bretagne n’est pas en reste de ce point vue non plus. La région aligne assez de grandes écoles et d’écoles d’ingénieurs pour tenter d’alimenter le futur marché local d’experts. L’on y trouve notamment l’école navale de Lanvéoc-Poulmic et son centre de recherche, ainsi que l’ENSTA Bretagne, l’école de Saint-Cyr Coëtquidan, l’école d’ingénieurs Telecom Bretagne, l’institut d’électronique et de télécommunications de Rennes (IETR), l’Institut de recherche en informatique et systèmes aléatoires de Rennes (IRISA) ou encore l’INRIA, toujours à Rennes.

Enfin, le rôle de la Bretagne comme terreau de la cyber-sécurité a été officialisé auprès de l’Union Européenne via le programme de « Smart Specialisation » , qui vise à ce que chaque région de l’Union choisisse plusieurs voies de développement alignées avec les priorités européennes. Pour la Bretagne il s’agit sans surprise – pour l’une d’entre elles – des technologies de l’information et des communications.

Mais la meilleure justification à cette concentration d’expertise en cyber-sécurité, c’est l’Ingénieur en Chef de l’armement Guillaume Poupard (DGA) qui la donne : « Il est plus attractif pour des experts de haut niveau de se voir proposer un bassin d’emploi stable, dans une région où il fait bon vivre, plutôt que de les disperser à travers tout le pays et les obliger à de la mobilité. Cela ne fonctionne tout simplement pas avec des experts de haut niveau » .

L’objectif est ainsi d’atteindre une masse critique qui fera que, à l’image de Toulouse dans le domaine du spatial, un étudiant intéressé par la cyber-sécurité saura qu’il peut venir faire ses études en Bretagne et, s’il le souhaite, y rester tout au long de sa carrière.

Une telle masse critique ne pourra toutefois être atteinte qu’avec l’implantation de nombreuses entreprises privées spécialisées. Il s’agit donc de l’autre objectif derrière la création de ce pôle d’excellence : solidifier et développer une véritable filière industrielle de cyber-défense française. L’on en parle depuis quelques temps déjà, et le choix d’une zone géographique clairement identifiée, comme ici la Bretagne, est une manière astucieuse d’aider à amorcer la machine.

Bien sûr le choix d’une région plutôt qu’une autre ne manquera pas de provoquer de chaleureux débats partisans. Après tout d’autres régions sont elles aussi très bien dotées sur le plan de l’enseignement et de la recherche : le pôle Lyon / Grenoble par exemple, ainsi que Lille dans le Nord-Pas-de-Calais, Toulouse en Midi-Pyrénées ou encore Sophia Antipolis, la première technopole d’Europe établie en Provence-Alpes-Côte d’Azur (en outre la région PACA a choisi le domaine de la défense et la sécurité dans le programme européen S3).

Mais il fallait bien faire un choix et l’ADN télécom de la Bretagne en faisait probablement un candidat naturel.

Et puis, s’il fallait un argument définitif (bien que d’une parfaite mauvaise foi) pour justifier le choix de la Bretagne, ajoutons que le climat breton est probablement bien plus propice aux longues séances d’étude et de recherche que ne le sont les sommets enneigés des Pyrénées et des Alpes, ou encore la superbe vue sur la mer depuis les hauteurs du campus de Sophia Antipolis…