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Risque d’image : gérer la rumeur

auteur de l'article Jerome Saiz , dans la rubrique Conformité & Bonnes pratiques

Le sociologue Gérald Bronner était hier l’invité du Cercle Européen de la Sécurité. Spécialiste des croyances collectives, il est bien placé pour parler de la rumeur et de son impact sur les entreprises.

Et son enseignement n’est pas réconfortant : on ne contrôle pas une rumeur… il faut faire avec !

Heureusement les mécanismes de propagation sont parfaitement étudiés, et cela depuis longtemps. L’entreprise peut donc tenter de les exploiter à son avantage. Bronner cite notamment l’expérience de Allport et Postman, qui dès 1947 ont mis en évidence l’existence de « sillons » pré-établis dans l’imaginaire collectif (propre à chaque culture) qui n’attendent que la rumeur. Les scientifiques démontrent ainsi qu’une information propagée à la manière d’une rumeur sera certes déformée, mais que cette déformation ne sera pas aléatoire : elle finira par se couler dans ces sillons en adoptant le biais culturel du milieu où elle se propage.

C’est donc par l’identification préalable de ces biais culturels, ces fameux sillons, qu’il sera possible soit d’éviter de prêter le flanc à la rumeur (en modifiant un produit, par exemple) soit de préparer une communication de crise anticipée en positionnant en amont des messages ou des actions afin de s’en servir au moment de la crise pour réfuter la rumeur. Autrement dit : prévoir les voies évidentes que le scandale empruntera afin de les baliser et les encadrer à son avantage. Certes une tâche plus facile à dire qu’à faire !

La plus grande difficulté dans la gestion de la rumeur tient à son évolution récente : elle n’était jadis qu’orale. Elle ne se propageait essentiellement que par le bouche à oreille, ce qui impliquait deux limitations : une durée de vie le plus souvent relativement courte et un manque flagrant d’argumentation solide (difficile en effet de livrer un copieux argumentaire pseudo-scientifique avec une rumeur orale).

Internet est venu changer tout cela. Aujourd’hui la rumeur est gravée dans le web. Elle ne se modifie plus aussi rapidement qu’à l’oral et elle pourra même servir de référence à d’autres rumeurs ultérieures. « Internet est devenu l’incubateur de la mythologie contemporaine« , explique Gérald Bronner. En outre le web permet d’y associer autant de documentation, d’argumentaires et autres logorrhées pseudo-scientifiques que l’on souhaite, dans le but de convaincre. Les sites consacrés aux diverses théories du complot en sont un excellent exemple… (Lire à ce titre notre poisson d’Avril 2006, qui se jouait de la théorie du complot… et a malgré tout été pris très au sérieux sur un forum d’adeptes du complot !)

Gérald Bronner parle ainsi de « mille-feuille argumentatifs » : des couches d’arguments empilées, couvrant tous les domaines, très difficiles à démentir totalement à moins d’y consacrer un temps exorbitant et de faire appel à des experts d’une multitude de domaines très différents (aviation, architecture, mécanique, incendie, explosifs, par exemple dans le cas des attentats du 11 septembre 2001).

Enfin, dernière évolution : la rumeur était jadis cantonnée au « marché noir » de l’information, par opposition au marché légitime occupé par les médias. Aujourd’hui elle sera d’abord relayée sur les réseaux sociaux, où elle exercera ensuite une pression sur les médias qui parfois se décident à la mentionner, parce que soumis à une forte concurrence. Et même s’ils s’abstiennent de lui donner du crédit, la simple mention de la rumeur dans les médias (sous la forme de « Internet s’enflamme pour…« , par exemple) lui offre une couche de respectabilité supplémentaire dont elle saura faire usage.

Ainsi, de seulement orale (donc brève) et non-argumentée, la rumeur est devenue écrite,  parfaitement argumentée et même dans certains cas légitimée par les médias. Dans ces conditions il est illusoire de vouloir la contrer en contrôlant la source, comme c’était encore le cas du temps où l’information était le monopole d’un nombre réduit de médias. Prise sous le feu de la rumeur l’entreprise est face à un embrasement spontané, dans toutes les directions. Et c’est pourquoi il est devenu considérablement plus compliqué de lutter.

La voie de l’anticipation, aussi aléatoire et difficile soit-elle, demeure alors la meilleure chance de minimiser l’impact de la crise d’image. On retrouve ici en définitive cette tendance à la tolérance et à la résilience que nous prônons en matière de SSI (acceptons l’idée que l’on sera compromis et organisons-nous plutôt pour en réduire les effets).

Pour cela, outre l’identification des sillons narratifs qui n’attendent que la rumeur, Gérald Bronner préconise de prendre en compte les biais communs propres à l’être humain, tels que la propension à sur-évaluer les faibles probabilités et sous-évaluer les fortes probabilités, ou à se focaliser sur les coûts plutôt que les bénéfices.

Enfin, une fois plongé dans la crise, gare à la tentation de se lancer dans des justifications purement chiffrées pour se dédouaner : « Nous sommes totalement indifférents aux données statistiques mais très sensibles à l’histoire que l’on nous raconte« . Donc, même innocents, et même avec des chiffres pour le prouver, ne négligez jamais de préparer une belle histoire pour raconter ces chiffres, ou vos efforts seront inutiles.

Certes, ce n’est pas ici le travail du RSSI mais plutôt celui d’une agence spécialisée (nous n’en connaissons cependant pas capable de travailler à ce niveau d’expertise sociologique). En revanche, le RSSI pourra alerter sa hiérarchie sur ce type de risque…


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